
Gwen vit à Bruxelles depuis 3 ans. Après quelques années passées à Tokyo, elle a choisi de renouer avec une vie culturelle francophone, tout en continuant à vivre à l’étranger. C’est au 5e étage de la bibliothèque Royale que l’auteur du blog Rue Linière (récemment devenu Ici, en attendant) nous invite à suivre le fil de ses lectures. Elle pose également son regard de Française sur certains aspects de la double culture en Belgique.
Le Gaulois nomade® : Quels sont les derniers livres que vous avez lus en français ?
Gwen : Des nuages et des tours de Dominique Fabre et Ladivine de Marie Ndiaye, deux romans français d’auteurs que je suis depuis leurs débuts, qui parviennent remarquablement à se renouveler tout en restant fidèles à leurs thèmes de prédilection. Et Agonie d’agapè, de William Gaddis, un Américain virtuose du dialogue qui a réussi à me convertir : avant de le découvrir en 1998, je n’étais adepte ni de la littérature américaine contemporaine ni des romans (trop) dialogués ! Ce sont les trois derniers livres que j’ai lus en français… mais je ne lis qu’en français !
Vos lectures ont-elles changé depuis que vous vivez en Belgique ?
Habiter à Bruxelles a effectivement changé mes lectures. La quantité de bouquinistes et la qualité de leur offre me donne accès à davantage de livres que si je devais tous les acheter au prix fort, ou que si je devais me contenter de les emprunter dans les bibliothèques. Par ailleurs, je rencontre beaucoup de gens de diverses nationalités qui me donnent envie de découvrir leur culture, de tenter d’un peu mieux les comprendre. Comme je ne suis pas du tout voyageuse, pour découvrir un pays et ses habitants, je m’installe dans un fauteuil et j’ouvre un roman… Parmi mes heureuses et récentes découvertes européennes, j’ai envie de citer : le Portugais Gonçalo M. Tavares, le Hongrois Laszlo Krasznahorkai et le Serbe Svetislav Basara.
Un auteur belge (néerlandophone ou francophone) à lire absolument ?
Je ne connais pas le néerlandais. Je n’ai donc pas accès à la littérature non traduite. Peu après mon arrivée à Bruxelles, à l’époque où la Belgique vivait sans gouvernement, je suis allée à Passa Porta, la plus grande et très active librairie bilingue de la ville. J’ai assisté à une rencontre entre Jean-Luc Outers, auteur wallon, et Kristien Hemmerechts, auteur flamande, qui faisaient paraître sous le titre Lettres du plat pays, la correspondance amicale dans laquelle, pendant quelques années, ils avaient échangé leurs espoirs et leurs doutes concernant leur pays commun, au-delà des divergences de leurs points de vue respectifs. Le public de la rencontre, mi-francophone mi-néerlandophone, avait également ri et renchéri dans les deux langues aux plaisanteries des auteurs. Ce jour-là, ne saisissant pas la part implicite des discussions, je me suis félicitée de mon choix de la Belgique pour continuer à être étrangère, en même temps que j’ai été convaincue que je ne saurais jamais comprendre ce conflit linguistique et culturel auquel je n’avais jamais été confrontée autrement que par les témoignages ou les articles de journaux !
Kristien Hemmerechts est très peu traduite et je ne comprends pas pourquoi ! D’elle, j’ai lu Le jardin des innocents chez Actes Sud. Ce livre explore très finement les relations entre trois sœurs.
Quel auteur français aimeriez-vous faire découvrir à un(e) ami(e) Belge ?
Les Belges sont beaucoup plus au fait de la culture française que les Français de la leur ! Bien qu'elle ait obtenu le prix Médicis en 2012 pour Féérie générale, beaucoup ne connaissent peut-être pas (encore) Emmanuelle Pireyre. Je recommande encore plus particulièrement son livre précédent : Comment faire disparaître la terre, un mode d’emploi pratique, philosophique, brillant et vraiment très drôle qui tente de résoudre, comme l’indique son titre, le problème de la terre qu’on doit faire disparaître quand on est en train de creuser un tunnel pour s’évader !